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LA DÉCENTRALISATION AU MÉPRIS DES ENTREPRISES

C’est la conséquence inacceptable de ce qui pourrait résulter du futur projet de loi que le gouvernement soumettra au Parlement dans les semaines qui viennent. Le Meccano politico-administratif qui se met en place aurait un effet désastreux sur le développement des entreprises et des territoires. Comme si l’organisation territoriale n’impactait pas les entreprises et leurs représentants. Comme si, en période de crise, les entreprises avaient besoin de ça !

Car c’est une OPA hostile qui est sur le point d’être orchestrée par le gouvernement en faisant passer les chambres de commerce et d’industrie, accompagnant 2,5 millions d’entreprises, sous le pilotage stratégique des conseils régionaux. C’est oublier qu’il existe des liens étroits illustrés par des partenariats stratégiques partout en France entre les CCI et toutes les collectivités territoriales. Les chambres de commerce et d’industrie dans les territoires sont au quotidien aux côtés des régions dont la compétence en matière économique est reconnue. Nous sommes convaincus que l’accompagnement de proximité doit être défini par les élus de la démocratie économique qui siègent dans les CCI et non par des assemblées issues de la démocratie politique.

Cette OPA conduirait à priver les entreprises, en particulier les PME et les TPE, de l’expertise et de la légitimité des élus des chambres de commerce et d’industrie pour définir les meilleurs outils à destination du monde économique. C’est loin de l’idée que nous nous faisons d’une décentralisation respectant la place de chacun et favorisant la lisibilité des actions de proximité et la bonne coordination entre tous les acteurs publics.

Cette stratégie brutale, élaborée sans aucune concertation avec les représentants des entreprises, signe donc la fin des services conçus et gérés par des entrepreneurs et le début d’une gestion politisée de l’appui aux entreprises. C’est la négation même du pacte de confiance voulu par le président de la République et conclu en mai dernier entre le Premier ministre et les CCI de France. C’est arrêter l’élan créé par la démarche de progrès du réseau des CCI pour anticiper les attentes des entreprises.

C’est aussi l’arrêt de l’investissement des chefs d’entreprise dans le pilotage de proximité d’actions en faveur de l’économie locale. Le gouvernement souhaite-il réduire au silence les chefs d’entreprise en leur contestant leur engagement pour l’intérêt général ?

On ajoutera également que c’est le début de la vente par appartements des missions des CCI, en particulier sur l’appui aux entreprises, la formation, les équipements structurants que sont les ports, les aéroports, les pépinières, les incubateurs, indispensables au développement économique des territoires ? Et tout cela sans penser à l’emploi des 27.000 collaborateurs des CCI dédiés à 100 % aux entreprises.

Cette stratégie souligne aussi et surtout l’absence de confiance du gouvernement dans les corps intermédiaires patronaux et donc dans les chefs d’entreprise pour diriger des actions publiques et contribuer ainsi au redressement du pays. Elle témoigne d’une volonté unique en Europe d’administrer encore un peu plus l’activité économique.

De surcroît, cette stratégie gouvernementale vise à détourner l’argent des entreprises vers les conseils régionaux, à l’instar de ce qui est en train de se décider pour l’apprentissage. En effet, le transfert envisagé des missions des CCI vers les régions permettrait à l’Etat, dans une relative discrétion, de doter les collectivités territoriales de nouvelles ressources fiscales. C’est donc les entreprises qui paieront la facture d’une nouvelle étape de la décentralisation et qui pâtiront d’une offre de services dégradée.
Pierre Gattaz,
André Marcon
Jean-François Roubaud

Pierre Gattaz est président du Medef, André Marcon est président de CCI France, Jean-François Roubaud est président de la CGPME